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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/132

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« Diable ! reprit M. de Lauzun, elle est déjà bien loin, il est peut-être trop tard. »

Blanchette appuyait ses petites mains sur le bord de la pirogue, et se penchait pour regarder l’eau dont le tournoiement et le bruit excitaient sa curiosité.

« Elle va tomber, dit Titia en poussant M. de Lauzun ; allez donc vite à secours.

« Vous me commandez de m’exposer à me noyer, objecta M. de Lauzun, comme si vous aviez droit de vie et de mort sur moi.

« Non, reprit Titia en se mettant à genoux, je ne commande pas ; je supplie, je pleure. »

M. de Lauzun fixa des yeux ardents sur la jeune femme, et dit :

« Titia ! Blanchette est ta fille ; avoue-le, je la sauve ; sinon….regarde ! vois comme elle s’éloigne. »

La malheureuse joignit les mains :

« Lauzun, dit-elle, sauvez mon enfant !

« Ah ! ah ! je savais bien, moi, que c’était ta fille. Je la sauverai à une condition ― c’est que tu seras ma femme ; entends-tu, ma femme dès ce soir. Veux-tu, oui ou non ? Regarde comme la pirogue s’en va ; plus une seconde à perdre.

« Lauzun, sauvez ma fille, dit Titia désespérée ; je vous obéirai.

« Tu seras ma femme ?

« Oui. »

M. de Lauzun avait pris ses précautions ; il était vêtu légèrement et chaussé de pantoufles. Il se jeta à l’eau, et, en vingt brassés, atteignit l’embarcation. Il y entra, et revint en pagayant comme un homme obligé de faire de grands efforts.

Titia serra Blanchette contre son sein, en fondant en larmes.

« Titia, dit M. de Lauzun, tu sais où est ma chambre ; je t’attends ce soir, à onze heures. »

Titia baissa les yeux, M. de Lauzun s’éloigna. Il avait caché un paquet dans les cannes à sucre ; il changea