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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/188

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retour, m’avez-vous fait la moindre offre de service ? Allons donc ! laissons de côté cette solidarité chimérique. Chacun est responsable de ses actes. Vous me faites rire, en affectant de me jeter au visage que Blanchette est une fille de couleur ; elle est plus blanche qu’aucune de vous ; vous avez maintes fois, chères petites cousines, en ma présence, envié son teint et ses cheveux. Mais, répliquez-vous, elle a du sang de négresse dans ses veines. Diable ! pour voir cela, il faut que vous ayez de bien bons yeux. La prochaine fois que Blanchette se piquera un doigt en cousant, je prendrai une goutte de son sang ; je vous l’apporterai, nous la regarderons ensemble, et nous la comparerons à une goutte de votre sang ; vous me ferez saisir la différence. Mais Blanchette fût-elle noire comme l’ébène, s’il me plaisait à moi de la trouver à mon goût, vous n’auriez rien à dire. Je suis le seul survivant des Saint-Ybars ; ce nom, il n’y a que moi qui le porte, et libre à moi de le donner à Blanchette, si cela me convient.

« Ne m’interrompez pas ; je ne serai pas long ; ce que j’ai à vous dire, n’est pas le dixième de ce que vous m’avez forcé d’écouter.

« Croyez-moi, chère tante, chères cousines, ne nous inquiétons pas tant de savoir de quelle couleur étaient les aïeux de celle-ci ou de celle-là. Soyons ce que nous sommes, et voyons les autres comme ils sont : Blanchette est blanche comme un lys, elle est aimable, bonne, spirituelle, très instruite pour son âge, excellente musicienne, enjouée, ne disant jamais de mal de personne ; voyez-la donc telle qu’elle est, et ne me parlez plus de la peau noir de ses aïeules.

« Mais vous, Mesdames, pouvez-vous dire avec certitude quelle était la couleur de vos ancêtres ? Vous savez, sans doute, que le temps a fait justice de toutes ces légendes orgueilleuses qui établissaient un lien de parenté entre les hommes primitifs et les anges. D’abord, vos anges sont des êtres imaginaires, laissons cela de côté ; mais ensuite, savez-vous que des savants soupçonnent fortement aujourd’hui, ne vous en déplaise, que vous et moi, que nous tous