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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/218

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il savait qu’il ne fallait pas prendre avec lui des airs de familiarité. Pélasge lui rendit son salut, et lui dit d’entrer.

En passant au bas de l’escalier qui conduisait à la chambre de Démon, Blanchette entendit le bruit d’un siège remué avec violence, et, aussitôt après, un gémissement. Son cœur bondit. Qui gémissait ainsi ? ce ne pouvait être que Démon. Qu’avait-il ? à coup sûr il souffrait. Blanchette n’hésita pas ; elle monta et courut à la chambre de Démon. Il était pâle, haletant, les traits tirés et raides. Blanchette se précipita vers lui.

« Ah ! parrain, dit-elle en voyant le flacon de strychnine, est-ce que vous avez pris de cela ?

« Oui, répondit Démon ; de grâce, Blanchette, pas de bruit ; laisse-moi mourir tranquillement.

« Mourir ! dit Blanchette ; mourir comme cela, sans m’avoir avertie ; me laisser toute seule : ah ! parrain, ce n’est pas bien. Non, non ; cela ne peut pas être, je m’en irai avec vous. »

Démon voyant qu’elle allait prendre le flacon, le saisit. Immédiatement après, il eut une autre secousse. Ses bras et ses jambes s’allongèrent, tout son corps se mit à trembler et fit trembler le fauteuil ; puis, sa tête se jeta en arrière, son échine se ploya en arc. Après quelques secondes d’immobilité, il retomba affaissé, respirant à peine ; mais sa main crispée tenait toujours le flacon.

Blanchette aperçut le revolver ; elle sauta dessus. Démon, incapable de bouger, la vit diriger le canon contre sa poitrine, à la hauteur du cœur. Le coup partit. La balle perça la gabrielle et la chemise, effleura la peau et alla casser une vitre. Blanchette déchargea un autre coup. Cette fois, elle éprouva une douleur aiguë ; la détonation fut suivie d’un cri perçant. Blanchette se pencha sur Démon ; sa tête se posa sur sa poitrine comme sur un oreiller. Ils rendirent le dernier soupir en même temps.

Des bruits de pas, des cris, des lamentations remplirent la maison. À l’aspect des deux cadavres, Mlle Georgine, qui n’avait jamais vu de mort, fut saisie d’une épouvante incoercible ; elle redescendit en poussant des cris, à peine