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Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/227

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secours s’il venait en Suisse. La fin simultanée de Démon et de Blanchette fixa ses idées ; ce qui jusque-là n’avait été qu’une hypothèse devint une espérance. Quand il vit la tristesse froidement désespérée dans laquelle Pélasge s’enfonçait de plus en plus, il se dit :

« Ça marche ; bientôt la poire sera mûre. »

Dziliweiff connaissait à fond le cœur et l’esprit humain ; il savait tout le parti qu’on peut tirer des hommes jeunes encore qui ont bu, jusqu’à la lie, la coupe du malheur. C’était parmi eux qu’il recrutait ses adhérents les plus sûrs ; il les appelait ses morts. Il allait partout cherchant, comme il disait, des morts pour les ressusciter. Il mettait en eux une vie nouvelle, en leur donnant un but à poursuivre ; il leur communiquait sa force de volonté, il les exaltait par la grandeur de la mission qui les appelait, il les pénétrait de cet esprit de persévérance infatigable qui assure, tôt ou tard, le triomphe de la cause à laquelle on s’est voué.


CHAPITRE L

Le Vieux Sachem



Dziliwieff écrivait plus souvent à Pélasge, depuis la mort de Démon ; en provoquant de fréquentes réponses, il étudiait, comme il disait en lui-même, son mourant d’Amérique ; il épiait, avec un redoublement d’attention, la fin de l’agonie.

Pélasge s’ensevelissait de plus en plus dans les profondeurs silencieuses de l’étude. Chaque jour le gouffre qui le séparait des intérêts ordinaires de la vie, s’élargissait.