Page:Mercier - L’Habitation Saint-Ybars.djvu/235

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mais nullement discordant avec sa chevelure maintenant uniformément blanche comme la neige des Alpes.

« Nogolka, dit Pélasge, vous êtes bonne, vous êtes belle, vous êtes grande ! Vous êtes pour moi le retour à la vie ; vous êtes l’espérance, la foi, la force, la lumière. Noble amie, je serai digne de vous ; je serai digne de Dziliwieff ; je m’élèverai à la hauteur de votre héroïque philanthropie. Nogolka, que ne vous dois-je pas pour être venue de si loin à mon secours ? disposez de moi comme vous voudrez ; je vous appartiens tout entier.

« Je vous donne juste le temps de régler vos affaires d’intérêt, répondit Nogolka ; ne perdez pas une minute ; la vue de cette campagne désolée me serre affreusement le cœur.

« Maintenant, laissez-moi vous présenter mon fils. »

Nogolka se retourna, et sur un signe fait par elle, le jeune garçon s’approcha.

« Ivan, dit-elle, tu connais M. Pélasge ; tu en as tant entendu parler ! embrasse l’ami de ta mère. »

Ivan obéit avec empressement. Pélasge le reçut dans ses bras, le caressa et dit à Nogolka :

« Comme il vous ressemble ! »….

Deux jours après cette entrevue, un bateau à vapeur, arrêté depuis une demi-heure devant l’ancienne habitation Saint-Ybars, reprenait le large et descendait le fleuve. Debout sur la galerie, à l’arrière, un homme avait les yeux fixés sur le rivage ; sa main gauche fermée pressait sa poitrine avec force. Une dame tenait son autre main. C’était Pélasge et Nogolka. Pélasge regardait, pour la dernière fois, le tronc mutilé du vieux sachem.

Quand le bateau eut doublé la pointe de terre, au-delà de laquelle on perdait de vue le côté où s’élevait jadis la belle demeure des Saint-Ybars, Nogolka dit à son ami :

« Nous voici séparés du passé ; le passé est un mort : qu’il dorme en paix ! il a eu ses joies et ses peines. L’avenir nous appelle ; il a pour nous d’autres joies et d’autres peines : il est la vie ; allons à lui. »


FIN