Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/126

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C’étaient les airs chéris de l’Homme de la Nature, ceux que répètent chaque jour l’amant à son amante, la tendre épouse à son heureux époux.

On eût dit que les anges descendus sur la terre venaient pour l’enlever au ciel au milieu de leurs ravissants concerts.

La pompe arriva au bassin qui représentait l’Île des Peupliers. Il reçut les larmes des spectateurs rangés tout autour, celles plus abondantes encore des femmes qui pensaient à Julie, à Sophie, à Warens si tendrement, si constamment aimée de son fils adoptif.

Le cercueil fut déposé sur une estrade, et recouvert d’un drap bleu parsemé d’étoiles.

Tous les yeux s’y fixaient. La gloire du grand homme perçait les ténèbres de la mort, et semblait le montrer tout vivant.

Mille flambeaux éclairaient cette touchante cérémonie. Les pleurs embellissaient tous les visages. Ils offraient l’image, non de la douleur inconsolable de la perte d’un ami, mais de la tranquille espérance qui le voit revenir.

On termina les obsèques par l’air : Dans ma cabane obscure ; et chacun en se retirant le chantait encore avec attendrissement[1].


SOUPERS FRATERNELS



Chacun, sous peine d’être suspect, sous peine de se déclarer l’ennemi de l’égalité, vint manger en famille à côté de l’homme qu’il détestait ou méprisait. Le riche appauvrit

  1. On chanta aussi un hymne assez fade, composé pour la circonstance par M. -J. Chénier. Voici ce que répétait le chœur :

    Ô Rousseau, modèle des sages,
    Bienfaiteur de l’humanité,
    D’un peuple fier et libre accepte les hommages
    Et, du fond du tombeau, soutiens la liberté.

    (Note de l’édition Poulet-Malassis.)