Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/144

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En politique surtout, le jour d’hier est un cadavre. Il résulte de cet anniversaire que ce n’est point un homme qu’on a mis à mort, mais bien un gouvernement ; il tuait s’il n’était tué.

Tout fonctionnaire public prête ce jour-là le serment individuel de haine à la royauté. Je l’ai prêté ; et s’il n’eût pas été dans mon cœur, il n’aurait point passé sur mes lèvres.

Le 21 janvier 1796, an IV, la fête qui devait être célébrée en commémoration de la juste punition du tyran, a commencé par des décharges d’artillerie ; et dès huit heures, des tambours et des trompettes apprenaient aux plus paresseux que le devoir et la fête les appelaient au champ-de-Mars.

À midi toutes les autorités constituées de Paris étaient rassemblées autour d’une grande statue assise comme celle de la liberté, mais qui, par ses formes et ses attributs, nous a paru plutôt représenter Hercule ou la force.

Le Directoire présidait en grand costume. On a chanté les airs patriotiques de la Marseillaise, de Ça ira, de Veillons au salut de l’empire, le Chant du départ, etc. ; à deux heures le serment a été prononcé au bruit d’une nombreuse décharge, et répété par une foule de républicains saisis d’enthousiasme, et prêts à verser leur sang pour défendre leur ouvrage.

Il y avait longtemps que nous n’avions eu de fête républicaine : celle-ci a été célébrée avec pompe, accueillie avec transport, et terminée sans malheurs, malgré les tristes pressentiments des uns, et les éclatantes prophéties des autres.

Que penser de cette fête ? qu’elle est dans l’ordre politique ; il fallait éviter l’exemple des Anglais.

On peut se reconcilier avec les gens, mais ce n’est pas quand on leur a coupé le cou. Tous les rois de la terre ont senti sur leurs nuques le coup de Guillotine qui a séparé la tête de Louis XVI de son corps ; ils seront donc éternellement les ennemis de la République Française. Ils