Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/186

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Berthier ; et prétendant avoir fait un acte de patriotisme ; il voulait demander une médaille civique à l’Assemblée nationale. On se le montrait dans les rues comme l’on montre un Gagne-Petit.

Eh ! comment a-t-on pu obéir à ces proconsuls, qui fauchaient l’espèce humaine ? Quelle est donc cette légion de bourreaux qui a inondé la France de sang ? Il faut bien aimer les hommes pour les aimer encore. Après cela ils se sont prosternés devant le buste de Marat, et ont admiré la gigantomachie de Collot : et l’on a rencontré dans chaque ville, dans chaque bourg un verrou-animal, c’est-à-dire un guichetier, des charpentiers d’échafauds, et des satellites autant que l’on en a voulu. Si la nation française n’eût pas été plongée dans un sommeil léthargique (sauf nos braves soldats), aurait-on vu tel excès de lâcheté et d’abnégation ? Mais nos soldats étaient occupés à foudroyer l’Autrichien, à purger le territoire de la France.

Le coupeur de têtes sortit des comités révolutionnaires, des clubs révolutionnaires payés à quarante sols par individus (ces imaginations de l’affreux Danton), des armées révolutionnaires, tout alors était révolutionnaire. L’on imprima logique révolutionnaire. Quelle éclipse de l’esprit humain ! Où sont les principes d’une logique révolutionnaire ? Comme ce langage a régné, nous devons en faire mention ici.

On appela d’abord la Guillotine le coupe-tête, cette invention qui, en dispensant de se servir de la main du bourreau, a multiplié les exécutions, et a favorisé peut-être plus que tout le reste la sanguinocratie des deux épouvantables comités. Mais le terme coupe-tête n’a point prévalu.

On dit la Guillotine ; on a dit le règne de la Guillotine, la raison de la Guillotine. Si l’on eût dit à Montesquieu que ce mot serait un jour placé dans le dictionnaire politique de la nation française, qu’aurait-il pensé ?