Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/278

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Quand chacun fut bien assuré qu’il n’y avait plus rien à voir, on songea à se retirer. Mais il arriva ici un très plaisant évènement, que l’éclat du feu dont on venait d’être ébloui peut seul expliquer ; c’est que personne ne reconnut plus son chemin : les uns s’en allaient au Bois de Boulogne, pour gagner Paris ; les autres allaient du côté de la rivière, croyant marcher vers le Garde-meuble. On errait à l’aventure en se demandant réciproquement sa route. Tout le monde avait l’air égaré. On se frotta les yeux : on se reconnut ; et il n’en résulta pas d’autre inconvénient.

Nous ne finirons point cet article sans citer, entre beaucoup d’autres preuves dont nous avons été témoins, de l’harmonie et de la bonne amitié qui a régné constamment dans cette fête nocturne, et qui semblait de tout Paris ne faire qu’une seule famille, le trait suivant : il ne sera pas déplacé dans le journal des mœurs.

« Trois ou quatre mirliflors, du nombre de ceux que nous avions vus caracoler au Champ-de-Mars, et qui s’entendent à manier un cheval, à peu près comme ils savent respecter les femmes, traversaient une plate-bande jonchée de jeunes filles à côté de leurs mères et de leurs petits frères et, de quelques soldats qui n’étaient pas en faction : ils traversaient, dis-je, en se balançant niaisement sur leurs hanches, et en chantant les chansons les plus ordurières. Un soldat s’avance au-devant d’eux ; et d’un ton aussi calme qu’honnête, leur dit : Citoyens, ce n’est pas au milieu de femmes honnêtes, et dans un rassemblement de famille, mais au b… qu’on chante de pareilles chansons… Les étourdis n’en voulurent pas savoir davantage ; ils se sauvèrent en courant. »