Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/280

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Chaque soir, le bruit d’un violon discordant appelle dans la taverne convertie en salle de bal, l’artisan, le soldat, la grisette, le porteur d’eau, tandis que des salons qu’on croirait créés par la baguette des fées, se remplissent de nouveaux enrichis.

Dans la première de ces deux cohues, on conserve le ton, le langage comme le costume de la sans-culotterie, dans toute sa pureté. Dans les autres, au contraire, on écarte avec soin tout ce qui rappelle la forme républicaine : on s’efforce de singer l’ancienne cour, l’ancienne bonne compagnie ; et on les imite à peu près aussi heureusement que Jodelet et Mascarille imitent leurs maîtres dont ils ont volé les habits.

Les spectacles ont été très suivis cet hiver. Mais ce n’est point comme au bal : chaque rang n’a point son théâtre, toutes les classes se confondent chez Nicolet, comme à l’Opéra. Le peuple, qui n’allait autrefois que là, se pique aujourd’hui de venir ici. Qu’on ne croie point cependant qu’il ait gagné du côté de l’instruction, et que des goûts qui paraissent plus délicats, supposent d’autres mœurs ; mais la cherté de la main-d’œuvre, fruit du régime révolutionnaire, a répandu dans les dernières classes, une aisance inconnue jusqu’alors, qui permet à l’artisan de satisfaire ses anciens penchants pour la débauche, et l’espèce d’instinct qui l’entraîne vers des jouissances dont il ne se faisait autrefois aucune idée.


IMPRIMERIES



Il n’y avait autrefois que trente-six imprimeurs dans Paris ; ils étaient privilégiés. La Révolution a renversé ces absurdes privilèges. Qu’est-ce qu’une imprimerie ? C’est mon écritoire, c’est celle de tout auteur bon ou mauvais. Elles sont multipliées à un point étonnant ; et