Page:Mercier - Le Nouveau Paris, 1900.djvu/282

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bien ! il y a deux classes de journalistes : les uns qui cherchent la vérité, et veulent la dire, mais avec ménagement, et avec une sorte de respect pour le public et pour eux-mêmes. Pour que cette vérité devienne universelle, ils lui donnent une physionomie décente ; ils savent que c’est une certaine sagesse qui la fera adopter. Les autres, précipitent leur plume et leurs assertions, affectent un style satirique, même quand la nature ne leur en a pas donné le talent ; entassent la censure, le sarcasme, la raillerie, en confondant toutes ces nuances. Toute phrase leur est bonne, pourvu qu’elle soit caustique : la vérité, pour eux, est le gémissement de l’offensé. Envenimer les actions d’un homme public, c’est le faire marcher droit. Toute administration, toute autorité est tyrannique, dès qu’elle n’est pas parfaitement obéissante à leurs idées. Tout gouvernement est corrompu et assassinable, dès qu’il heurte leurs productions déréglées.

Il y aurait donc les journalistes sensés, et les journalistes séditieux ; ils se classeraient d’eux-mêmes ; et le public, averti par l’enseigne, apprendrait qu’il y a autant de distance entre deux hommes qui écrivent périodiquement, qu’entre le chirurgien qui fait une opération anatomique, et le boucher qui découpe un bœuf.

Les excès de la presse ont duré jusqu’au 18 Fructidor ; le scandale, sans avoir cessé, est diminué depuis cette époque, parce que le Directoire a le droit de mettre le scellé sur les presses antirépublicaines ; mais le journaliste sans pudeur recommence le lendemain avec une autre écritoire. Vite, à ces écrivassiers, des diplômes d’infamie !