SALPÊTRE
outes les puissances coalisées voulaient la ruine, le
partage ou le démembrement de la France. On avait
des bras, du fer et du courage ; mais la poudre, pour le
service des armées, manquait ; on n’avait pas même les
matières premières : mais que de ressources n’offre point
une ville populeuse dont le sol recelait depuis tant de siècles
les débris de tous les éléments terrestres et putréfiables.
Tout à coup chaque particulier descend dans sa cave, en
fouille le terrain ; dans toutes les cuisines, on soulève les
pavés, on enlève les cendres des foyers ; on cherche dans
tous les décombres pour en extraire les terres imprégnées
de salpêtre ; on lèche, pour ainsi dire, chaque mur ; et tout
ce qui porte le goût de sel est enlevé pour la fabrication
révolutionnaire ; elle fut prompte, elle fut universelle :
l’opération se fit dans toutes les maisons ; elle se fit avec
zèle ; toutes les terres furent remuées, et des milliers de
pelles amenaient le sol humide aux rayons du soleil.
Cette opération qui ne pouvait être imaginée, ou du moins exécutée que dans les temps révolutionnaires où l’on se trouvait alors, a empêché la France de tomber au pouvoir de l’étranger.
Qui l’eût dit, que les caves de Paris recelaient dans leur sein de quoi repousser la ligue des rois ?
Chaque citoyen travailla avec un zèle infatigable ; c’est qu’il sentit la nécessité de la mesure : personne ne cria à la vexation, parce que lorsqu’on ne peut se sauver que par une opération hardie, elle est toujours adoptée et sentie. On vit sur les portes, dans plusieurs quartiers de Paris, des inscriptions qui subsistèrent plus d’un an, et qui étaient conçues en ces termes : « Pour donner la mort aux tyrans, les citoyens logés dans cette maison, ont fourni leur contingent de salpêtre[1]. »
- ↑ Ce fut Monge qui indiqua les murs et le sol des écuries, des caves, des lieux bas, comme contenant du salpêtre. « On nous