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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/116

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AMA

reproche de parler un langage nouveau. Ce n’est pas en effet une expression isolée, quoique répréhensible, qui peut y exposer. »

Une société d’amateurs de la langue française craignant que Linguet n’eût penché pour Amatrice, parce qu’il avait employé lui-même ce mot, desira connoître mon opinion ; je fis cette réponse :

« Pour décider si Amatrice est français, si en l’employant on est néologue, il faut d’abord se faire une idée du néologisme, qu’on ne doit pas confondre avec la néologie.

« Ces deux mots ont un point de vue commun, en ce que l’un et l’autre signifient mot nouveau ; mais ils portent une empreinte particulière à laquelle on ne peut se méprendre. La néologie est l’art de former des mots nouveaux pour des idées ou nouvelles ou mal rendues. Le néologisme est la manie d’employer des mots nouveaux sans besoin ou sans goût. La néologie a ses règles ; le néologisme n’a pour guide qu’un vain caprice. La première donne de l’embonpoint à la langue ; l’autre est une superfétation stérile, une bouffissure ridicule. Sans doute, comme le dit Horace, il a toujours été, il sera toujours permis de se servir de mots nouveaux ; ceux qui sont anciens pour nous, n’ont-ils pas été nouveaux pour nos pères ? Mais les lois de la néologie veulent que tout mot nouveau soit ou nécessaire, ou plus expressif que celui dont on se servait, qu’il dérive d’une langue