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Page:Mercier - Néologie, 1801, tome I.djvu/31

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( xix )

peindre un objet en noir, en rouge, en verd, c’est toujours en vouloir tracer et transmettre l’image : la phrase viendra ensuite ; elle vient toujours, parce que la nature ordonne que nous allions au même but par des moyens différens.

Il y a une foule immense de langues répandues sur toute la terre, pourquoi dans la mienne, n’aurais-je pas des variétés prodigieuses qui se rattachent au même centre ? Laissez-moi toutes les couleurs et toutes les nuances dont je veux peindre mes idées ; ainsi les langages humains, malgré la diversité du climat, des mœurs et des usages ; tendent à se fondre dans une langue qui ne serait pas nouvelle, mais qui serait excessivement riche et hardie. La langue allemande s’approche avec majesté de cette grande conquête ; et nous, qu’avons-nous fait ? La nation la plus fière dans les combats, est la plus molle, la plus timide dans son Vocabulaire : voilà l’ouvrage de défunte Académie française ! Qu’a fait l’académicien ? Il n’a vu l’édifice immense des langages humains que d’après ses fantaisies ; il a eu ses amours et ses haines pour des mots ; animosités et tendresses aveugles ! ses caprices ont été des