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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/13

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On ne diroit pas, à voir un officier si leste, si pimpant, frisé, adonisé, paré, qui s’occupe devant le miroir à redresser une boucle indocile, que c’est là le successeur de Bayard, de Duguesclin, de Grillon, de ces guerriers dont on disoit :

Ils s’arment tout à cru, & le fer seulement
De leur forte valeur est le riche ornement.
Leur berceau fut de fer…

Ce qu’un officier de nos jours ambitionne le plus, c’est une blessure de goût, c’est-à-dire, une jolie cicatrice qui contribue à sa réputation sans endommager les graces de sa figure. Il trouve brutal l’ordre de César, qui cria aux siens à la bataille de Pharsale, frappez au visage ; il aimeroit mieux perdre une jambe & un bras que le bout de son nez.

En général, les officiers (les exceptions à part) sont fort désœuvrés & très-peu instruits. Comme ils s’ennuient & ne savent que devenir, leur conversation est seche dès qu’elle ne roule pas sur l’histoire du régiment. Plusieurs qui dédaignent les sciences utiles, gagne-