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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/203

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homme qui, n’ayant qu’une manchette à dentelles, la montra au Suisse à la porte d’un hôtel, comme un passe-port assuré, cachant avec soin sous la basque de sa veste l’autre manchette qui n’étoit, hélas, que de mousseline ? Mais dans la chaleur de la conversation, comme on ne songe pas à tout, il eut l’imprudence de dévoiler en plein sallon cette manchette scandaleuse, cachée jusqu’alors & sans affectation. Cette vue offensa tellement la maîtresse de la maison, qu’elle fit monter sur-le-champ son Suisse, pour le réprimander. Le portier ne comprenoit rien à la verte semonce qu’il recevoit, parce que dans l’intervalle l’homme qu’on lui désignoit avoit caché de nouveau l’humble mousseline, & ne gesticuloit plus que de la main à la dentelle. Le lendemain, le portier bien grondé devint si inflexible, qu’un officier qui avoit perdu un bras à l’armée s’étant présenté, le Suisse ne voulut pas le laisser entrer, exigeant l’apparition de deux manchettes égales, & jurant qu’on n’aborderoit jamais madame autrement, quand même