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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome II, 1782.djvu/272

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lui livre l’étoffe & la doublure : il n’y a que ce qu’il faut, il n’y a rien de trop. Quelle justesse ! quelle précision ! Le tailleur se tait, admire ; & comme il a rencontré son maître, il se contente du prix pour la façon.

Cette rue semble renfermer un peuple juif, tant il est sale & pressé. C’est la même avidité dans le regard, le même patelinage dans la parole. Les magasins sont comblés ; on ne sait où couche toute la maison : les cloisons sont formées de leurs marchandises, qui montent jusqu’aux plafonds. Les étoffes pendantes servent de rideaux, & tous dorment ensevelis sous des chiffons. Il faut de la chandelle pour y dîner en plein midi ; & quand on veut vérifier la couleur d’un chiffon, on le porte à la croisée, dont les carreaux sont enduits d’une crasse lucrative.

Ce peuple juif est riche ; il défile du matin au soir des morceaux d’étoffes de soie & de coton. Ils font de l’argent de ce qui paroîtroit à d’autres yeux ne devoir remplir que la hotte du chiffonnier.