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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/16

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les personnages tragiques subsiste encore pendant une génération, nous n’aurons bientôt plus que des Lilliputiens, qui en voulant faire les héros, ne seront que grotesques.

Un acteur, quand il est mince ou fluet, ou bien quand il ne présente plus que des os revêtus d’un parchemin livide, a beau posséder une certaine intelligence : les efforts de sa frêle poitrine font souffrir ; & plus il gesticule avec fierté, plus il paroît se rappetisser. Son front dégrade la majesté de Melpomene. Le palais qu’il habite, l’idiome relevé qu’il parle, les passions grandes & orageuses qu’il veut peindre, tout l’écrase & l’anéantit : il est trop disproportionné avec ce qui l’environne, pour que l’œil ou l’oreille puissent lui faire grace.

Alexandre, dira-t-on pour justifier le nain tragique, étoit petit & portoit le col penché : je l’aurois admiré de son vivant dans sa tente avec sa taille exiguë & sa tête sur une de ses épaules ; mais mort, j’exige qu’il prenne une stature, un front, un port & un geste qui