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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome III, 1782.djvu/45

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avis, mais qui indique telle jour, telle heure, (& il ne manque plus que l’affiche) qui entre dans un sallon meublé, se place entre deux flambeaux, demande un sucrier ou du sirop, calomnie sa poitrine, tire son manuscrit de sa poche, & lit avec emphase sa production nouvelle, quelquefois somnifere.

Il ne manque point d’admirateurs, parce qu’il les convoite avec toutes les suppliques adroites de l’orgueilleux amour-propre ; on lui prodigue de ces mots obligeans qu’on ne refuse pas, & qu’il prend à la lettre pour des éloges sinceres. Quand il imprime, le public se rit de l’ouvrage admiré dans le sallon. L’auteur furieux crie que le goût est perdu, & que la décadence de la littérature est visible, puisqu’on ne sent pas comme ses premiers juges & admirateurs.

Dans ces sortes de lectures tout prête au ridicule ; le poëte arrive avec une tragédie rimée & fastidieuse, ou avec un gros poëme épique, dans une assemblée peuplée de jeunes & jolies femmes disposées à folâtrer & à