Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 15 )

épîtres, stances, &c. pleuvent, & le commis lassé ne se donne plus la peine de briser les cachets. C’est l’homme le plus fatigué de vers, qui existe, & qui doit le plus les détester. Il entasse & ensevelit toutes ces pieces dans d’énormes cartons, où elles dorment, en attendant qu’on en pêche une au besoin. Malheur à celle qui est trop longue ou trop courte pour la page qu’on veut remplir ! Fût-elle excellente, on la rejette pour choisir celle qui s’ajuste précisément à l’espace vuide.

Le poëte de province s’imagine qu’on admire sa production, qu’on s’empresse à l’imprimer, & elle est encore au fond de la boîte du commis. Il attend avec impatience le Mercure, il l’ouvre d’une main précipitée & tremblante, il cherche ; & ne la voyant pas, il croit plutôt à l’infidélité de la poste qu’au dédain de ses juges.

Il faut lire cent pieces pour en trouver une passable ; c’est-à-dire, qui ne contiennent pas des fautes grossieres. On n’imagine pas à quel degré de ridicule & de