Aller au contenu

Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IV, 1782.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 30 )

sont pâles, trapus, plutôt maigres que gras ; ils boivent beaucoup plus qu’ils ne mangent.

À toute heure, vous les trouvez prêts à charger leur dos des poids les plus lourds. Légérement courbés, soutenus sur un bâton ambulatoire, ils portent des fardeaux qui tueroient un cheval ; ils les portent avec souplesse & dextérité, au milieu des embarras des voitures, & dans des rues étranglées ; tantôt c’est une glace qui en occupe toute la largeur & fait danser toutes les maisons pour qui la suit & la regarde ; tantôt c’est un marbre fragile & précieux, chef-d’œuvre de l’art. Ces hommes deviennent comme sensibles dans toute leur charge ; & à force de virer, de s’esquiver & de marcher de biais, ils évitent le choc roulant de la foule impétueuse ; ils s’arrêtent à propos, trottent de même, jurent pour avertir les passans, les menacent, tout chargés qu’ils sont, de leurs bâtons courts, & à travers tant d’écueils, arrivent au port sans avoir rien cassé ; le pavé sec, fangeux ou glissant leur devient égal.