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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome IX, 1788.djvu/18

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stupeur. Nul ne veut être méprisé, nul ne veut passer pour être disgracié ; & tel qui n’obtient pas un mot, prétend que le silence ne lui a pas été défavorable. Les hommes sont puissamment gouvernés par la crainte du mépris ; & les princes ont paru deviner jusqu’où s’étendoit cette foiblesse du cœur humain : il n’y a que le philosophe qui sache repousser ce mépris, ou en rire au fond de l’ame ; mais un philosophe est rarement à la cour.

À la cour, il ne faut être ni sot, ni homme d’esprit ; il faut, là, que le grand homme ne soit ni prévu, ni deviné ; quand l’esprit n’est que dans une heureuse médiocrité, on peut s’attendre à des succès, car on n’aime à élever que ceux qui nous ressemblent.

À la cour, on ne fait aucun projet politique ; mais on profite de tous ceux que font les autres.

Il faut, à la cour, ménager un sot plutôt qu’un homme d’esprit : un sot poussé à bout dans ce pays-là, est infiniment dangereux, & vous devinez pourquoi.