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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome V, 1783.djvu/174

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n’existe plus dans le passé, c’est un rêve qui s’efface. La tombe s’est fermée sous ses pas, il ne croit plus qu’elle ait été ouverte. Échappé au péril, il méconnoît la main qui l’a sauvé du précipice ; il oublie son bienfaiteur, & souvent plus ses soins ont été longs & considérables, plus il s’efforce d’écarter ce poids de reconnoissance, & d’effacer de sa mémoire l’importance du service.

C’est alors que le grand homme a besoin de tout son courage ; & lorsqu’un accident imprévu vient frapper ce même homme, qu’il voit en frissonnant le glaive de la mort étinceler une seconde fois sur sa tête, que rempli de terreur & abhorrant sa destruction, il dompte la honte & ne rougit point d’appeller à son secours ce même libérateur qu’il a payé d’ingratitude, celui-ci toujours tranquille & magnanime, doit voler à son secours, détourner le coup, rendre le calme à ses sens, lui épargner jusqu’au reproche, & emporter, s’il le faut, la gloire de faire dans le même homme un nouvel ingrat.