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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VI, 1783.djvu/21

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vous tend une tasse suppliante ; on y jette quelques pieces de monnoie ; la cantatrice, après avoir prodigué les charmes de sa voix, devient quêteuse ; l’art est un peu avili par ces quêtes publiques ; c’est que nos yeux n’y étoient pas encore accoutumés : il n’est pas juste néanmoins qu’on vous donne un joli concert pour rien ; tout se paie à Paris, jusqu’au son qui s’envole des instrumens.

Tel oisif auditeur en profite ; il n’a pas le sol dans sa poche, & il s’assied dans ce café, s’y chauffe, entend de la musique toute l’après-dînée, & ne sort de cet asyle qu’à onze heures du soir, quand le garçon l’avertit qu’on n’y couche point. Jamais le maître de ces maisons vitrées ne lui reprochera d’y venir occuper une place éternellement gratuite : il sera toute l’année régalé de musique & chauffé, sans rien débourser ; son oreille jouira plus que son estomac, & la symphonie lui tiendra lieu de souper. Tout cafetier des boulevards fait un don gratuit de son poële, de ses chaises & de son orchestre à une infinité de