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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VII, 1783.djvu/170

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Quels sont-ils ? La nature, & sur-tout l’habitude.
En vain de ton bonheur tu te fais une étude :
Sous l’humble toit du sage, heureux sans tant de soins,
Le vrai plaisir se rit de tes pompeux besoins.
Dis-moi : quand l’air plus pur & la rose nouvelle
Loin de nos murs fameux dans nos champs te rappelle,
Si d’un riche parterre, orné de cent couleurs,
Mille vases brillans ne contiennent les fleurs,
Si l’oiseau n’est captif dans de vastes treillages,
Si l’eau ne rejaillit parmi des coquillages,
En retrouves-tu moins le murmure des eaux,
Le doux baume des fleurs, le doux chant des oiseaux ?
L’art se tourmente en vain ; la fraise que le verre
Par de fausses chaleurs couvre au fond d’une serre,
A-t-elle plus de goût ? Faut-il que ces pois verds,
Pour flatter ton palais, insultent aux hivers ?
Ce melon avancé par l’apprêt d’une couche,
D’un jus plus savoureux parfume-t-il la bouche ?
Heureuse pauvreté ! je n’ai pas les moyens
D’altérer la nature & de gâter ses biens.
L’art te donne à grands frais d’imparfaites prémices ;
Des fruits dans leurs saisons je goûte les délices.
Ces dons prématurés sont moins piquans pour toi