Les gens du monde, qui, par envie ou par ignorance, s’efforcent de rabaisser tout ce qui est au-dessus d’eux, secrétement irrités de voir qu’on ne parloit plus de leurs occupations futiles, voudroient, s’il leur étoit possible, humilier les gens de lettres, comme des rivaux qui occupent à leur détriment les bouches de la renommée. Ils ont imaginé en conséquence de rendre les gens de lettres responsables en corps de toutes les sottises que sont quelques-uns d’entr’eux. Il faut observer que les gens de lettres ne forment point un corps, & conséquemment n’ont point de jurisdiction les uns sur les autres. Ils ne peuvent imposer silence au folliculaire effronté, au détracteur insolent, au calomniateur, à l’écrivain satyrique ou ordurier ; ils sont isolés dans leur genre de vie, ainsi que dans leurs travaux : ils se cherchent d’abord par curiosité, & souvent ne se cultivent point par le peu de ressemblance de leur caractere ; car l’amitié ne se commande pas ; & pourvu qu’ils se respectent, on n’a rien à leur reprocher.