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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VIII, 1783.djvu/32

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répété, qu’on pourroit croire qu’elle est vraiment persuadée de ce qu’elle avance. Faut-il la troubler, lui ôter une illusion si douce ? Non, laissons-lui cette jouissance innocente.

On donne le soir au peuple dans le jardin des Tuileries, à l’entrée de la nuit, un grand charivari, qu’on appelle concert. C’est toujours l’ancienne musique qu’on exécute ; on fait bien, car personne n’écoute. Mais c’est un des plus singuliers tableaux & des plus animés que celui qu’offre tout ce peuple immense rassemblé, sur-tout quand il y a clair de lune. C’est une fête demi-nocturne, que les femmes aiment de prédilection. Elles montent toutes sur des chaises, leurs amans à leurs pieds ; ce qui varie le spectacle & le rend nouveau, pittoresque, curieux. L’oreille s’ouvre à la galanterie qui la touche beaucoup plus que les airs de feu Rameau. Cette confusion d’états, de personnes & de physionomies donne aux Tuileries un aspect unique. Elles peuvent contenir alors environ deux cents mille ames.