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Page:Mercier - Tableau de Paris, tome VIII, 1783.djvu/320

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Ce sallon qui s’ouvre tant de fois est-il un lieu public ? Est-ce une comédie que l’on va jouer ? Qu’est-ce que ces prévenances, ces révérences, ces complimens affectueux qui ne trompent personne ? Le sot, l’homme d’esprit, l’honnête homme, le frippon, reçoivent le même accueil ; est-ce pour chasser l’ennui ? Mais cet ennui ne doit-il pas naître au milieu de tant d’hommes qu’on n’aime point, & qui ne se rassemblent que pour se prêter mutuellement leur figure ?

Rouler dans ce tourbillon, c’est gâter son ame. Quel tems ne fait pas perdre cette manie de liaisons passageres qui tuent la véritable amitié, & qui la font disparoître totalement ? Comment faire choix on conserver un solide, un tendre ami, quand on se fuit chaque jour, & qu’on ne se cherche pas soi-même ?

Rien ne caractérise plus le vuide de l’ame que cet accès banal, que cette vie purement représentative ; & néanmoins, c’est d’après une expérience aussi légere qu’on veut juger