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Page:Mercure de France, janvier - mars 1812, tome 50.djvu/518

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MERCURE DE FRANCE

et de grâce quelques-unes des têtes irlandaises de ce tableau, n’a-t-il pas un peu malignement fait usage du trait heurté de la caricature, lorsqu’il a représenté un personnage anglais ? Rapprochons, pour mettre le lecteur à même d’en juger, quelques-uns de ces portraits. Celui de M. Devereux, par exemple, « bel esprit et poëte, un des jeunes gens les plus aimables et les plus galans de Dublin ; agréable de sa personne et distingué par le ton de la bonne compagnie ; si peu occupé de lui-même, si prévenant, qu’on était enchanté de lui après avoir été dix minutes dans sa société. » Ajoutez à cela, amant timide, discret, respectueux, plein de noblesse et de générosité.

Comparez-lui lord Craiglethorpe. « Fier, froid, empesé, et d’une morgue outrée, même pour un Anglais ; ayant cette espèce de timidité qui rend un homme dédaigneux et obstiné dans son silence, qui le dispose à regarder comme un ennemi quiconque lui adresse la parole, qui lui fait regarder une question comme une injure, et un compliment comme une malhonnêteté. »

Ce n’est pas que l’Irlande n’ait aussi ses originaux et ses personnages ridicules, un lord O’ Toole entr’autres, diplomate de la tête aux pieds, ne parlant que par ‘'on dit, soutenant, parce que cela est sans conséquence, que les philosophes sont tous dangereux et ennemis de l’État ; « divisant d’ailleurs les hommes en deux classes, les sots et les fripons, et ne sachant plus, quand il rencontre un honnête homme, dans quelle classe le faire entrer. »

Mais la plus expressive et la plus saillante de toutes ces figures est, sans contredit, celle d’une lady Geraldine, assemblage singulier de qualités estimables et de travers brillans, à qui l’on trouvait en Irlande « l’air d’une étrangère et quelque chose d’une française. » Quoique un compliment (car il est impossible de se méprendre au sens de ces mots) soit toujours bien venu, et qu’il acquiert un nouveau prix de la part d’un écrivain aussi distingué que miss Edgeworth, je doute cependant que beaucoup de nos dames françaises voulussent se tenir honorées de celui-ci. En tout pays lady Géraldine passe-