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Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/111

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REVUE DE LA QUINZAINE 297 LES ROMANS Romain Rolland: La Foire sur la place et Antoinette, OlIendorfF, 7 fr* — Anatole France : L’Ile des Pingouins, Calmann-Lévy, 3* 5o. — Jean de Fossen- dal et Fauteur d’Auùtié Amoureuse: L*Amour guette... Calmann-Lèvy, 3 .5o. — A. Bailly : Les Divins jongleurs, Pion 3. 5o. — Willy : Pimprenette, Auteurs modernes, 3.5o.— Paul Murgueritte : Ma Grande,Hachette,3. 5o.— AnneOsmond: Le Sequin d*OryHachette 3.5o. Jean-Christophe à Paris, par Romain Rolland. Je suis en retard avec cet auteur... parce que je n’ai jamais pu le lire à l’en­ droit. Voyez plutôt : j ’ouvre le volume intitulé Antoinette et je lis à la rubrique du même auteur: I. Antoinette, II. La Foire sur la place. J’ attends donc la réceptionne la Foire sur la place pour finir l ’histoire, mais à la réception de cette Foire sur la place, j ’ouvre ce second volume et je lis à la mention du même auteur en question: I. La Foire sur la place, II. Antoinette. Que je commence par l’un ou par l ’autre j ’aurai fatalement lu à l ’envers ! C ’est horriblement inquiétant. Déjà, pour le Jean-Christophe tout court, d ’ailleurs en quatre volumes, j ’ avais reçu le Matin avant VAube et malgré une certaine dose de bonnevolonté qui me sert d’intelligence je n’y avais rien compris du tout. Le grand défaut des grands romans, c ’est d’être trop grands... et puis ça coûte cher 1 Enfin, comme je ne suis pas ici pour regarder à la dépense, je puis vous dire que ce Jean-Chris- tophe faisant la place, dans la foire parisieune, à propos de sa musi­ que, me fait peur. Cette sorte de W ag n er,brute géniale et ennuyeuse, fort honnête homme, mais d ’ une grossièreté tudesque, nous épluche de si près que nous en sommes réduits à montrernos amandes toutes nues... et Dieu sait si elles sont amères ! Rien ne lui échappe; la façon dont on fabrique la beauté de nos femmes, et la manière de payer des éditeurs, le tour de main des journalistes ou des poètes et l’art de faire de nos premiers théâtres l ’école des plus mauvaises mœurs. Je ne résiste pas à la tentation de citer : « Il semblait que ce fût partout le même esprit de prostitution cérébrale. Il y avait deux écoles parmi les marchands de plaisir : l’une était la bonne vieille façon, la façon nationale, le gros plaisir bien sale, à la bonne franquette, la joie de la laideur... etc... etc... L ’autre école était mo­ dem-style, beaucoup plus raffinée, plus écœurante aussi. Les juifs parisianisés et les chrétiens judaïsés, qui foisonnaient au théâtre, y avaient introduit le mic-mac habituel des sentiments qui est le trait distinctif d’un cosmopolitisme dégénéré. Ces fils qui rougissaient de leur père s’appliquaient à renier la conscience de leur race ; et ils n ’y réussissaient que trop. Après avoir dépouillé leur âme sécu­ laire il ne leur restait plus d’autre personnalité que de mêler les valeurs intellectuelles et morales des autres peuples.. . Ceux qui étaient alors les maîtres de théâtre à Paris excellaient à battre ensem­