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Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/15

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ECCE HOMO

L’homme qui cherche la connaissance ne doit pas seulement savoir aimer ses ennemis, mais aussi haïr ses amis.

On n’a que peu de reconnaissance pour un maître quand on reste toujours élève. Et pourquoi ne voulez-vous pas déchirer ma couronne ?

Vous me vénérez : mais que serait-ce si votre vénération s’écroulait un jour ? Prenez garde à ne pas être tués par une statue !

Vous dites que vous croyez en Zarathoustra ? Mais qu’importe Zarathoustra ! Vous êtes mes croyants : mais qu’importent tous les croyants !

Vous ne vous étiez pas encore cherchés : alors vous m’avez trouvé. Ainsi font tous les croyants ; c’est pourquoi la foi est si peu de chose.

Maintenant je vous ordonne de me perdre et de vous trouver vous-même ; et ce n’est que quand vous m’aurez tous renié que je reviendrai parmi vous.

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En ce jour parfait où tout arrive à maturité, où le raison n’est pas seul à brunir, un rayon de soleil vient de tomber sur ma vie : j’ai regardé derrière moi, j’ai regardé devant moi et jamais je ne vis autant de bonnes choses à la fois. Ce n’est pas en vain que j’ai enterré aujourd’hui ma quarante-quatrième année, car j’avais le droit de l’enterrer, — ce qui en elle était viable a pu être sauvé, est devenu immortel. Le premier livre de la la Transmutation de toutes les Valeurs, les Chants de Zarathoustra, le Crépuscule des Idoles, ma tentative de philosopher à coups de marteau — tout cela ce sont des cadeaux que m’a fait cette année, et même le dernier trimestre de cette année. Pourquoi ne serais-je pas reconnaissant à ma vie tout entière ?

C’est pourquoi je me raconte ma vie à moi-même.

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POURQUOI JE SUIS SI SAGE

Le bonheur de mon existence, ce qui en fait peut-être le