358 MERCVRE DE FRANCE— t6-xi-1908 sur l’écrivain ; toutefois l ’accent a quelque chose de mélancolique et de presque fataliste, que l’antiquité ne connut point. Cela, et le permanent souci de réalité stricte, en même temps que le tempéra ment profondément religieux de l’auteur ont pu faire surnommer Pappadiamandis le Dostoiewsky néo-grec. Au fait, c’est le côté in consciemment païen qui nous rend son art, captivant, et cela est spé cialement grec. M algré le caractère presque intraduisible du texte, dont Jean Dargos s’est ingénié à conserver le charme ingénu, ceux qui liront en français ces deux contes ne seront point déçus : l ’âme qui s ’exprime là ne doit rien à personne, c’est celle d ’un Verlaine capable de s’ atteler chaque jo u r pour vivre à d’ingrates besognes et qui trouve consolant, a u x heures de loisir, d ’aller chanter à l ’église. On a de lui un roman, la Tueuse, que l’on devrait aussi traduire, à cause des menus détails de mœurs et d’âme populaire dont il abonde et du sentiment profond qui l’anime. Certes, l ’œuvre a ses défauts ; elle n ’a ni le mouvement qui signale les beaux récits d’Ephtaliotis (jesonge à Marinos Kondaras que vient de traduireHubertPernot), ni la vigueur imagée du Mendiant de Carcavitsas ; mais elle est sé duisante comme un sentier fleuri an bord de l ’ eau. La parenté n’est pas niable avec certains contes de Bikélas, sur lesquels la mort récente de l ’écrivain appelait mon attention, ces jours-ci : La Sœur laide par exemple, le Pappas Narkissos, le Cap des Deucc Frères et surtout Philippe Marthas. La jeune Grèce doit énormément à Démétrius Bikélas, né à Syra en 1835 et qui s ’était fait parisien. A son heure, il fut un initiateur. A l’encontre des Roïdis, des Ber- nardakis, il ne se contenta point d’exprimer à l’égard du langage populaire des opinions libérales ; il prêcha d’exemple et, l ’un des premiers, c ’est-à -dire avec Polylas, bien avant le mouvement littéraire de 1880, il montra que le démotique était apte à toutexpri- mer dans le domaine de la prosë. On lui doit ainsi de remarquables traductioDsdes drames de Shakespeare et Petros V asilikos, en inter prétant le Faust, n ’a fait que suivre une voie ouverte par lui. De plus il a proprement créé la nouvelle et le roman néo-grecs. Son Louki- Laras, suite de récits épisodiques de la Révolution grecque sous forme de roman, est bien la première œuvre du genre écrite en vul gaire. Mais la fin de s a vie, m algré la généreuse contribution aux Poètes grecs contemporains de Mme Adam, signale un retour en ar rière. La Collection des Livres utiles inaugurée par lui et la revue I Meleti, m algré leur haute valeur de divulgation documentaire, sont rédigées en puriste. Il faut le regretter. Jean Pergialitis est un Bikélas jeune et qui aurait eu Krystallis pour camarade. L a deuxième série de ses Ta O ræ a nous est offerte sous le titre de Folles Chansons, et ce sont de discrètes mélodies un peu vagues, un peu teintées de mélancolie, çà et là nuancées de songe
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