de sa conscience. Et l’on se vautre dans l’abject. On gagne, on entasse, on besogne du groin et des crocs. C’est écœurant.
Certes, cela l’est ! Mais, ce qui l’est plus encore, c’est le sauvage exemple de tous les appétits affiché par ceux mêmes qui se font les mandataires de tant de beaux principes et de formules mirifiques. Les élus ne se contentent plus maintenant, comme Lecomte l’a si bien écrit, de « représenter les électeurs comme un laquais représente ses maîtres » ; ils entendent se représenter eux-mêmes également ; et c’est à coups de poing, à coups de dents qu’ils se font âprement la part large. Mais l’électeur lassé de promesses et de faux-fuyants, voit clair dans le jeu de l’élu. Le développement croissant du syndicalisme en marge de la politique n’est que l’un des symptômes de cette désaffection qui s’accroît chaque jour au sein du pays. Des œuvres comme la Vie publique d’Émile Fabre, comme les Valets de Lecomte, en venant étaler au grand jour les excès, la cupidité et l’inintelligence des politiciens concourent à déterminer ce détachement du peuple pour ses représentants, à ouvrir les yeux des dupes et des victimes devant l’action stérile de sots malfaisants.
Jadis, aux journées de juillet, quand tout un pays s’insurgeait contre les abus du pouvoir, l’œuvre d’art, inspirée dans la politique, enfantait, chez Eugène Delacroix, chez Auguste Barbier, deux immortelles pages de peinture et de lyrisme. Aujourd’hui le sujet d’inspiration n’a pas disparu ; il est moins épique ; et Lecomte a dû, pour l’embrasser avec toute l’ampleur qu’il comporte, le condenser dans la forme saisissante du roman. Mais ce roman demeure, dans sa rudesse de bloc, construit solidement. Ce sera longtemps, sans doute est-ce encore, le livre le plus complet, le plus impartial et le plus audacieux de cette série des aspects contemporains poursuivie avec le Veau d’or, les Cartons verts, les Hannetons de Paris et dominée depuis par l’Espoir, cette célébration d’une France toute moderne trempée par la douleur et grandie dans l’épreuve.
Parvenu avec les Valets à la maturité, au développement le plus plein et le plus harmonieux d’un souple et puissant talent, Georges Lecomte n’a plus qu’à demander de nouveaux
