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L’ANTAGONISME ANGLO-ALLEMAND


De tous les conflits internationaux, qui pourraient, à brève échéance, produire une guerre sanglante et désastreuse pour l’humanité, le conflit anglo-allemand apparaît comme le plus immédiat et le plus menaçant. Il n’est pas de jour, sans que la presse nous entretienne de ses chances de rapide explo­sion. Tous les faits et gestes des hommes politiques, qui mènent la diplomatie européenne, sont dominés par cette impression devenue une conception ou une conviction raisonnée. Or, cette perspective redoutable d’une guerre entre Anglais et Germains s’est constituée à une date relativement récente, et l’on ne saurait donner meilleur exemple de l’influence du développement économique sur les rapports des hommes et des peuples. Car il ne s’agit ici, à proprement parler, que d’un antagonisme industrialo-commercial, né sous la pression de circonstances déterminées, et qui illustre au premier chef les caractères spécifiques de l’histoire contemporaine. C’est à ce titre qu’en dehors de ses conséquences possibles et ruineuses, non seule­ment pour ceux qui s’y associeront, mais encore pour tous ceux qui croiraient en demeurer les spectateurs bénévoles et désin­téressés, cette rivalité des deux grands empires européens mérite de nous occuper. Les relations des groupements humains, des nationalités toujours en travail, des Etats sans cesse en mouvement, — progression ou recul, — ne commandent pas uniquement l’attention parce qu’elles mettent en cause des mil­lions et des millions d’êtres qui vivent et qui pensent : elles sont bien plus passionnantes, lorsqu’on en découvre le sub­-stratum profond, les raisons parfois cachées, qui varient, et se transforment, au fur et à mesure que se poursuit l’évolution économique.

Il y a quelques années encore, une conflagration franco-allemande et plus encore peut-être un choc anglo-russe entraient dans les prévisions les plus sérieuses, les mieux déduites des per­sonnes informées. Ou bien la France, dans une crise de milita­risme expansionniste, s’efforcerait de consommer sa revanche, ou