Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/60

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a46 MERCVRE DE FRANCE—i6-x t-i908 conflit armé mettrait en œuvre toutes leurs forces vives. Le vaincu serait affreusement ruiné. Une victoire allemande équi­ vaudrait au refoulement du pavillon britannique sur toutes les mers ■ — et une victoire anglaise, à la suppression des flottes marchandes de Hambourg et de Brème. Lorsque la crise de tension arriverait à son maximum d’acuité, entre Londres et Berlin, il est probable que la ploutocratie industrialo-commer- ciale des deux puissances se prendrait à réfléchir, envisagerait toutes les conséquences possibles, calculerait les gains et les pertes éventuels ; — et peut-être alors Je souci de la sécurité, l’amour des fortunes acquises, la crainte de l’abîme réagi­ raient-ils pour imposer une pacification. Mais ce n’est pas seulement l’incendie ou la capture des flottilles, ce n’est point seulement la suspension des rapports commerciaux et la perte des marchés, que la bourgeoisie alle­ mande et la bourgeoisie anglaise devraient appréhender. Les chocs modernes supposent de colossales mises de fonds, des consommations d’argent sans précédent, un triplement ou un quadruplement des budgets normaux et, par suite, un grossisse­ ment illimité des impôts ordinaires. Nous savons déjà, par l’ exemple de la guerre du Transvaal, livrée à un petit peuple par une nation auxforcesen quelquesorle inépuisables— com­ bien coûte l’ entretien des armées d’ aujourd’hui. Le Japon est sorti financièrementmeurtri desalutle contrelaRussie.Leheurt de l’Angleterre et de l’ Allemagne représenterait une formida­ ble destruction de capitaux pour le vaincu, et aussi pour le vainqueur, qui ne pourrait jamais compter récupérer ses dé­ bours. Nul n’ ignore que l ’Angleterre estriche: mais pour venir à bout de sa rivale, il lui faudrait peut-être consentir des sacri­ fices tels que le plus éclatant triomphe ne les pourrait com­ penser. Et nul n’ignore non plus que l’Allemagne, en dépit de son développement industriel, n’a qu’une épargne limitée, et que son fameux Trésor de Spandau ne serait qu’une goutte d’ eau dans l ’océan des crédits de l’ armée et de la marine. L ’un e tl’autre pays souffriraient donc de la difficultéde payer les frais de la lutte : et l’un et l’ aulre souffriraient aussi, une fois la lutte ouverte, de la difficultéde s’atteindre : et leuréloi- gnement même (car la mer demeure une frontière malaisée à franchir), l’absence de toute lisièrecommune accroîtraientsingu- lièrementles em barrasd’un conflit. L ’Allemagne n’a de chances