Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/7

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ANDRÉ ROUVEYRE


M. Rouveyre s’est fait connaître par deux albums dont le dernier, Carcasses divines, souleva cette sorte de scandale qui ne manque presque jamais aux nouveautés un peu âpres. Il y a beaucoup de peintres et de dessinateurs ; il y en a peu qui aient du paysage ou de la figure humaine une vision ori­ginale. Leurs impressions oscillent de la photographie à la caricature : ou la nature toute plate, ou la nature qui grimace, et encore selon des courbes convenues, répétées à satiété. Sans doute, on peut dire en général que tout ce qui n’est pas pho­tographie est caricature, si l’on donne à ce mot son sens pri­mitif déchargé, exagération, l’artiste étant porté à appuyer sur les traits de caractère qui frappent d’abord sa vue et la retien­nent. En réalité, la caricature, ou ce que nous appelons ainsi, n’est qu’un procédé de déformation, dont les miroirs conve­xes ou concaves nous donnent les types les plus ingénus. Il s’agit de faire rire et on y arrive à peu de frais. M. Rouveyre, au contraire, veut, par ses images étudiées, construites, ana­lysées, puis recomposées, nous faire réfléchir. Il y arrive aussi, mais par un travail qui dompte à chaque fois, non sans effort, sa spontanéité naturelle.

Voir, nous ne le savons pas,ou nous le savons de moins en moins, et peut-être plus du tout. La photographie a brusque­ment achevé et clos l’œuvre du professeur de dessin, qu’elle rend inutile. C’est un grand progrès : il n’y a plus qu’à décal-