Page:Mercure de France, t. 76, n° 275, 1er décembre 1908.djvu/46

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ne prenons pas la peine de chercher si cette note, par le ton où elle se trouve et la position qu’elle y occupe, doit compter pour la dièse, bien qu’elle incline au si. Nous sentons mieux, et nous interprétons moins. La perfection matérielle exempte notre esprit d’un effort.

Or, c’est là, semble-t-il, une loi commune à tous les arts. Leur maladresse ou leur timidité en fait, pour commencer, des langages entièrement conventionnels, où peu à peu le naturel s’introduit. Il faut une véritable initiation pour comprendre ces primitives sculptures grecques, aux formes carrées, comme découpées à l’emporte-pièce, ou ces dessins du Dipylon qui montrent le corps de face, la figure de profil, avec l’œil de face cependant, le buste triangulaire, les bras et les jambes réduits à des traits. Dès le {siècle texte|5}} avant notre ère, on savait retracer exactement les formes et les contours ; mais les dis­ tances entre les figures n’étaient signifiées, sur une surface plane, que par leur superposition, non par une réduction de leur taille. C’est au Ie siècle n’éclairent, de notre vie, que certains points d’élection, ceux qui peuvent être notés en leur langue abstraite ; le reste est sous-entendu ; nous arrivons à cerner les mouvements des êtres, et même des choses, d’un trait autrement délié, et accidenté. Le réalisme de Racine est, en grande partie, virtuel ; celui de Flaubert est presque tout en acte.

Je ne veux pas dire que l’art des temps passés ait vécu de conventions reconnues et acceptées, ni que le nôtre n’en ait plus. Une convention générale passe toujours inaperçue, et nous avons les nôtres, qui paraîtront aussi marquées, dans deux ou trois cents ans, que celles de la tragédie classique aujourd’hui. Mais plus on descend le cours des âges, plus on voit