Page:Mercure de France, t. 76, n° 275, 1er décembre 1908.djvu/52

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proscrit, d’ailleurs, ni même suspect : beaucoup de peuples, les uns sauvages, comme diverses tribus de l’Afrique, les autres fort raffinés, comme les Chinois, les Javanais ou les Hindous, trouvent un plaisir artistique dans la contemplation d’une seule note de tambour, de gong, de xylophone ou d’un instrument à cordes ; nous partageons leur sentiment, quand nous entendons leur musique, et la nôtre, en partie sous cette influence, en partie par une évolution naturelle, cherche à mieux utiliser les instruments à percussion, qui donnent des bruits : la timbale voudrait bien devenir chromatique, le xylophone figure déjà dans des œuvres plus sérieuses que la Danse macabre de Saint-Saens, le célesta est, comme le disent les annonces de la maison Mustel, « la seule nouveauté qui se soit introduite à l’orchestre depuis cinquante ans ». D’où vient donc que notre musique, depuis l’antiquité jusqu’à ces dernières années, n’ait guère fait état que des sons ? C’est que le son, étant d’une structure plus simple, manifeste mieux une hauteur déterminée : chacun sait combien il est plus facile d’accorder un violon qu’une timbale. L’esprit occidental, moins rêveur que celui des Asiatiques ou des Africains, voulait avant tout une musique mesurable. Mais dans cet avenir, où nous serons maîtres de produire à notre gré un son de telle hauteur donnée, nous pourrons nous permettre de reconstituer les bruits, non pas empiriquement, en frappant sur des peaux ou des lames de bois, mais par une combinaison méthodique de vibrations élémentaires. Nous n’avons pas voulu de la confusion, nous avons préféré l’analyse avec toute la sécheresse de ses premières données : nous aurons la synthèse.

Dans notre musique même, nous l’essayons déjà, par le moyen de l’harmonie, on a employé d’abord des accords d’octave, de quinte et de quarte les tierces et les sixtes ont été perçues comme consonantes à partir du XIIIe siècle, et aujourd’hui on traite comme des accords indépendants, c’est-à -dire comme des consonances, les septièmes et les neuvièmes. On a donc pu dire[1] que l’harmonie avait suivi dans son développement l’ordre même des harmoniques. C’est une analogie, et peut-être, jusqu’à un certain point, une explication : on aura voulu imiter, avec plusieurs sons, la plénitude de certains sons

  1. Personne ne l’a dit mieux, ni avec de meilleures preuves, que M. Jean Marnold.