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REVUE DE LA QUINZAINEcélèbres contemporaines, dont la lecture, ne saurait qu’augmenter
encore l’admiration générale pour le génie féminin. Cinq cent trente
pages serrées — quarante-huit biographies. Se fût-on douté qu’il
y eût déjà tant de « femmes de plume » fameuses vers 1841 !Un avant-propos nous apprend que celui qui a édité cet ouvrage
en a été récompensé par le plus vif succès. En même temps on nous
dévoile le but qu’il s’est proposé :cc D’esclaves qu’étaient les femmes,
« exposées à la satire la plus amère lorsqu’elles essayaient de,prou-
« ver que leurs facultés les rendaient aptes à la culture des Lettres,
« elles sont arrivées au point d’exciter aujourd’hui le plus grand
« enthousiasme par leurs écrits.,. » — Mais il leur restait encore
des luttes à soutenir : « Battu par les Amazones Littéraires sur le
« terrain de l’inspiration et du talent, le vieux préjugé masculin
« s’est réfugié derrière le rempart des Convenances. » — Fièrement
l’auteur proclame : « Nous le suivrons pour le débusquer ! » Grâce
à ce recueil, « nous aurons fait briller d’un vif éclat des noms
« méconnus par les efforts delà jalousie masculine... les voici arra-
« chés de l’oubli...—A nous,déclare-t-il, l’honneur d’avoir rompu le
« silence homicide qui laisse tant d’illustrations féminines sans
« statues A ce lyrisme pourtant,une légère sourdine : cc II faut
« bien avouer que l’enthousiasme a causé chez quelques-unes une
« sorte d’enivrement qui leur a fait franchir les limites que le ciel
« semble avoir assignées à leur sexe dans la Société... »L’auteur de la préface ne termine pas sans remercier les dames
qui ont mis tant de bonne grâce à fournir sur elles-mêmes les détails
les plus copieux — à unrenseignement près toutefois : celui de leur
âge. Là, il avoue « s’être heurté à un écueil infranchissable,», et,
non sans une pointe d’amertume : « Mes efforts, dit-il avec candeur,
« n’ont eu d’autre résultat que de me faire qualifier d9 homme sans
« tact et sans galanterie! »et il prend sa revanche avec cette pointe :
« J’ai dû me retirer honteux et convaincu que si le progrès a passé
« par là, ça a été pour y empirer la faiblesse, si faiblesse il y a,à une
« femme de vouloir paraître toujours jeune, » Aussi prie-t-il le
lecteur de ne pas lui en vouloir « si l’on trouve la description abon-
« dante des qualités et agréments de toutes ces dames célèbres, mais
« pas le plus petit renseignement qui puisse les amener à com-
« prendre si Von rCa que vingt-cinq ans ou passé la quarantaine ».Quelques-unes de ces femmes célèbres ont signé leurs biographies.
Mais c’est l’exception. La majorité a préféré charger de ce soin
de zélés admirateurs que rien n’oblige à faire pour elles de la mo¬
destie, Les pauvres femmes écrivains d’aujourd’hui sont entrées
trop tard dans la carrière. C’est en i84o qu’il faisait bon être
authoresse ! que de fleurs, que d’encens, que de dithyrambes ! Le
mot «: réputation » est trop mesquin quand il s’agit d’elles. Il n’est