personne ne saurait en douter qui, à la fin du quatrième livre,
voit apparaître, dans un rayonnement, la beauté diamantine
des premières paroles de Zarathoustra ! Personne qui lit les
phrases de granit à la fin du troisième livre, où la destinée
pour la première fois et pour >tous les temps est mise en formules !
Les Chants du prince « Vogelfrei », composés pour une
bonne partie en Sicile, rappellent très expressément la
conception provençale de la Gaya Scienza, avec cette unité du
ménestrel, du chevalier et de l’esprit libre qui différencie cette merveilleuse civilisation précoce des Provençaux de toutes les
cultures équivoques. Le dernier poème, en particulier, Pour le
Mistral, une exubérante chanson à danser, où, avec votre
permission, on danse par-dessus la morale, est parfaitement dans
l’esprit provençal.
UN LIVRE POUR TOUS ET POUR PERSONNE
Je veux raconter maintenant l’histoire de Zarathoustra. La conception fondamentale de l’œuvre, l’idée de l’éternel Retour, cette formule suprême de l’affirmation, la plus haute qui se puisse concevoir, date du mois d’août de 1881. Elle est jetée sur une feuille de papier avec cette inscription : « À 6.000 pieds par delà l’homme et le temps. » Je parcourais ce jour-là la forêt, le long du lac de Silvaplana ; près d’un formidable bloc de rocher qui se dressait en pyramide, non loin de Surlei, je fis halte. C’est là que cette idée m’est venue.
Si, à compter de ce jour, je me reporte à quelques mois en arrière, je trouve, comme signe précurseur de cet événement, une transformation soudaine, profonde et décisive de mes goûts, surtout en musique. Peut-être faut-il ranger mon Zarathoustra sous la rubrique « Musique ». Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il supposait au préalable une « régénération » totale de l’art d’écouter. Dans une petite ville d’eau en pleine montagne, près de Vicence, à Recoara, où je passai le printemps de l’année 1881, je découvris en compagnie de mon maëstro et ami Peter Gast — un « régénéré » lui aussi, — que le phénix musique volait près de nous, paré d’un plumage plus léger et plus brillant qu’autrefois. Si, pourtant, à compter de ce jour, je me