Page:Mercure de France, t. 81, n° 296, 16 octobre 1909.djvu/76

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tence. C’est là la liberté de toute volonté ! Dans le but réside l’amour, la vénération, la vision de ce qui est parfait, le désir.


46.

Ma revendication : créer des êtres qui sont élevés au-dessus de toute l’espèce « homme » : il faut sacrifier à ce but soi-même et le « prochain ».

La morale qui a dominé jusqu’à présent avait ses limites dans l’espèce : toutes les morales ont été utiles en ce sens qu’elles ont donné d’abord à l’espèce une stabilité absolue : dès que cette stabilité est atteinte, le but peut être placé plus haut.

L’un des mouvements est inconditionné : le nivellement de l’humanité, les grandes fourmilières humaines, etc.

L’autre mouvement, mon mouvement, est, au contraire, l’accentuation de tous les contrastes et de tous les abîmes, la suppression de l’égalité, la création d’êtres tout-puissants.

Celui-là engendre le dernier homme, mon mouvement engendre le Surhumain. Ce n’est nullement le but de considérer la dernière espèce comme si elle devait être la maîtresse de la première. Tout au contraire les deux espèces doivent coexister, — d’une manière aussi séparée que possible ; l’une ne se préoccupant pas de l’autre, à l’exemple des dieux épicuriens.


47.

L’antipode du Surhumain, c’est le dernier homme : je les ai créés en même temps.


48.

Plus l’individu est libre et déterminé, plus son amour a d’exigences : enfin il finit par aspirer au Surhumain, parce que tout le reste ne satisfait pas son amour.


49.

Au milieu de la voie naît le Surhumain.


50.

J’étais inquiet au milieu des hommes ; j’avais le désir de vivre parmi les hommes et rien ne pouvait me satisfaire. Alors je me suis rendu dans la solitude et j’ai créé le Surhumain. Et lorsque je l’eus créé, j’ai drapé autour de lui le grand voile de devenir et j’ai laissé luire sur lui la clarté de Midi.