Page:Mercure de France - 1766-02.djvu/30

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Or, c’eſt par lui que du docte côteau,
Sans rien riſquer, j’entreprends le voyage.
Avec un Dieu, peut-on faire naufrage ?
Ne vas pas croire au moins qu’avec orgueil
J’oſe prétendre arriver juſqu’au faîte ;
Pour y grimper il eſt plus d’un écueil :
Maint s’y riſqua, qui ſe, caſſant la tête,
Au lieu de gloire y trouva ſon cercueil.
Le plus ſûr eſt de reſter ſur le feuil.
J’y reſte donc, & fais en homme ſage ;
Car que trouver ſur le ſacré coupeau ?
Neuf vieilles ſœurs, un cheval & de l’eau ;
Du Pinde enfin voilà tout le bagage.
Pas n’eſt beſoin d’aller chercher ſi haut ;
J’en trouve ici bien plus qu’il ne m’en faut
Sans penſer donc au haut de la colline,
Ce n’eſt qu’au pied qu’arriver je prétends ;
Volontiers même y prendrois-je racine,
Car j’ai deſſein d’y demeurer long-temps.
Sais-tu pourquoi ? c’eſt pour voir à mon aiſe
Tous les débats de nos demi-ſavans,
Dont le courroux ou s’aigrit ou s’appaiſe
Suivant la lune, ou les différens vents.
Oh, quel plaiſir ! il me ſemble d’avance
Les voir de près l’un l’autre s’aboyant,
Se déchirer avec pleine licence ;
Et tous enſemble avec impertinence
De leurs écrits accabler tous venans,
Et pour les mordre attendre les paſſans.