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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/75

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MERCVRE DE FRANCE


DESTINS O Femme, chair tragique exquisement amère Femme, notre mépris sublime et notre dieu, O gouffre de douceurs, et cavale de feu Qui galope plus vite encor que la chimère. Femme qui nous attends dans l’ombre au coin du bois Quand, chevaliers d’avril en nos armures neuves. Nous allons vers la vie et descendons les fleuves En bateaux pavoises, la palme verte aux doigts. L’oriflamme Espérance aux fraîcheurs matinales Se gonfle ; nous ouvrons dans le matin sacré Nos yeux brillants encor de n’avoir pas pleuré, Nos yeux promis plus tard à tes fêtes fatales .Ivre d’or et de pourpre, et des fracas du fer,Le sang torrentiel en nous se précipite, Et notre âme superbe en longs frissons palpite Vers l’infini, comme la voile vers la mer Toi, debout au miroir et dominant la vie, Tu peignes tes cheveux de reine, indolemment ;Et pour les voir passer, tu tournes un moment Tes yeux d’enfant cruel, à qui tout fait envie. Fleur chaude, sombre fleur balançant ton poison.Tu te souris, tardant ta nudité hautaine,Et déjà les parfums de la robe lointaine Flottent comme une haleine ardente à l’horizon. Le Soleil, qui surgit, ruisselle sur les âmes. Ils ont frémi devant les destins révélés Les conquérants du Rêve aux grands fronts étoilés, Ivres de galoper, ventre à terre, aux abîmes.