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Page:Mercure de France - 1891 - Tome 2.djvu/81

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MERCVRE DE FRANCE


Mme V. — Je ne vous la demande pas. F. A. — Mauvaise ! c’est moi qui vous demande humblement la vôtre, y compris la nuit, bien entendu. Mme V. — La nuit aussi ? Je vous en prie, ne vous forcez pas. F. A. — Je vous assure que cela me ferait plaisir.

Mme V. — Ainsi, vous me proposez, bonnement, de faire, une dernière foi, quelque chose comme la belle en amour. Ensuite nous nous donnerions une poignée de mains, et l’honneur serait satisfait. Vous êtes malpropre. F. A.— Madame ! V. — Voilà que vous faites ces petits préparatifs de faux départ qui consistent à prendre son chapeau et a le poser successivement sur toutes les chaises, pour le reprendre encore et le reposer. F. A. — Nous sommes arrivés. Mme V. — Moi du moins, et je descends de voiture, tandis que vous continuerez vers des pays neufs. F. A. — Je voudrais, sans être banal, vous dire quelque chose de très tendre. Mme V. — Oui, le mot de la fin, le mot fleuri qui parfumera mon souvenir pour la vie. Vous ne le trouvez pas Cherchez. F. A. — Il me vient et s’en retourné. J’ai comme de la guate dans la gorge. Mme V. — Ne vous faites pas de mal. Désenlaçons-nous sans douleur. Allez, et aimez bien la petite. F. A. — Ah ! je l’aimerai - plus tard. V. — C’est vrai. Il faut le temps de donner un peu d’air à votre cœur. F. A. — Je vous vois calme. il me semble que je vous laisse sur une bonne impression et que le moment est venu de partir. Vos nerfs dorment. Je m’en vais, doucement, à l’anglaise. Ne vous dérangez pas, il fait-encore clair dans l’escalier. Mmo V. — Quel vide, tout de même, et que de choses vous emportez ! F. A. — Oui, mais il vous reste le beau rôle. Jules Renard.