— Oh, quelque chose que Lind s’imagine.
. — Ne dis pas cela ; j’ai le pressentiment qu’il
m’arrachera mon bonheur où et quand il pourra. Cet homme vient ici tous les jours, est riche et célibataire, il vous conduit partout ; bref, ma chérie, il y a mille choses dont je ne présage rien de bon.
— Oh, c’est dommage ; il faisait
si bon aujourd’hui.
— Ne laisse pas échapper
le bonheur pour une idée que tu te fais ; attends le plus possible avant de déployer ton drapeau.
. — Dieu ! Mlle Skære nous regarde ; taisez-vous !
(Elle et Lind s’éloignent de côtés différents.)
— Le voilà qui va à la perte de
sa jeunesse.
— Eh bien, vous voilà à composer
un poème ?
. — Non, un drame.
. — Ah, diable ; — je ne croyais pas que
vous vous adonniez à ce genre.
. — Non, il s’agit aussi d’un autre, un de mes
amis, un ami de nous deux ; un fameux auteur, vous pouvez me croire. Pensez, entre le dîner et le soir il a poussé une idylle à bout.
— Et la conclusion est bonne !
. — Vous savez bien que le rideau tombe d’abord
— sur lui et elle. Mais ce n’est là qu’une partie de la trilogie ; après vient la grand peine de l’écrivain, quand la seconde, la comédie des fiançailles, arrive, long poème en cinq actes, et que le fil de la trame s’étend jusqu’au drame du mariage, troisième partie.
— On pourrait croire que le
don d’auteur est contagieux.
. — Vraiment ? Pourquoi cela ?
. — Je veux dire seulement que moi aussi
je me mets à composer un poème, — (mystérieusement) un poème vrai, — entre autres défauts.
. — Et qui est le héros, si j’ose le demander ?
. — Je le dirai demain, — pas avant.
. — C’est vous-même !
. — Croyez-vous que ce rôle me convienne ?
. — Un meilleur héros n’est sûrement pas possible.
Mais maintenant l’héroïne ? Il faut sûrement aller la chercher à l’air libre de la campagne, et non dans la fumée de la ville ?
— Chut, voilà le
nœud et il faut attendre ! — (Il change brusquement de ton) Dites-moi, que pensez-vous de Mlle Halm ?
. — Oh, vous la connaissez bien mieux que moi ;