Voyez, j’ai place maintenant de tous, les côtés, — j’ai défriché autour de moi.
. — Falk, un mot !
(montre courtoisement la maison). — Voilà le chemin,
mademoiselle ; — par là est allée votre mère avec tous les amis et avec toutes les tantes.
(se rapproche). — Peu importe ; mon chemin
n’est pas le leur ; je n’augmenterai pas le nombre du troupeau.
. — Vous ne vous en allez pas ?
. — Non, si vous voulez lutter contre le
mensonge, je me tiendrai comme l’écuyer fidèle à vos côtés.
. — Vous, Svanhild ; vous qui —
. — Moi, qui hier encore — Oh, vous-même
étiez-vous, Falk, le même, hier ? Vous m’offriez, comme un bonheur, d’être la flûte de roseau —
. — Et la flûte sifflait, me faisait honte en sifflant !
Non, vous avez raison ; c’était une œuvre d’enfant ; mais vous m’avez réveillé pour une action meilleure ; — c’est en pleine foule que se trouve la grande église où la voix de vérité résonnera pure et forte. Il ne suffit pas de contempler, comme l’Asynie [1], du haut de la hauteur, le sauvage combat ; — non, porter le signe de beauté dans sa poitrine, comme saint Olaf portait sa croix sur sa cuirasse, — étendre la vue sur les vastes champs de la lutte, tout en se laissant saisir par le tohu-bohu de la bataille, — conserver une lueur de soleil derrière le brouillard, voilà l’exigence qu’un homme doit réaliser !
. — Et vous la réaliserez lorsque vous serez
libre, lorsque vous serez seul.
. — Mais alors je ne serais pas dans la foule !
Et voilà l’exigence. Non, il est fini, mon pacte d’isolement entre moi et le ciel. Fini mon métier de poète entre quatre murs ; mon poème sera vécu sous le sapin et le merisier, ma guerre sera conduite en plein empire du présent ; — moi ou le mensonge— un des deux reculera !
. — Allez donc béni du poème à l’action ! Je
vous ai méconnu ; vous avez la chaleur du cœur ; pardonnez — et séparons-nous tranquillement —
. — Non, il y a place pour deux, dans mon vaisseau
d’avenir ! Nous ne nous séparons pas. Sanhild,
- ↑ Les Asynies, déesses prophétiques de la Mythologie scandinave.