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MAI 1898

ne naviguerons point sur l’eau, mais sur la terre ferme. »

II

DU GRAND SINGE PAPION BOSSE-DE-NAGE, LEQUEL NE
SAVAIT DE PAROLE HUMAINE QUE : « HA HA ».

À Christian Beck.
Toi, vois-tu, dit gravement Giromon ; toi, je rendrai ta robe pour voile de pouiouse : tes jamebes pour mâts ; tes bras pour vergues, ton corps pour carcasse, et je te f… à l’eau avec six pouces de lame dans le ventre en guise de lest… Et comme quand tu seras navire c’est ta grosse tête qui servira de figure de l’avant, alors je te baptiserai : le vilain b… »
Eugène Sue, La Salamandre (le pichon joueic deis diables).

Bosse-de-Nage était un singe papion, moins cyno- qu’hydrocéphale, et moins intelligent, pour cette tare, que ses pareils. La callosité rouge et bleue que ceux-ci arborent aux fesses, Faustroll avait su, par une médication curieuse, la lui déplacer et greffer sur les joues, azurine sur l’une, écarlate sur l’autre, en sorte que sa face aplatie était tricolore.

De ce non content, le bon docteur lui voulut apprendre à parler ; et si Bosse-de-Nage (ainsi nommé à cause de la saillie double des joues ci-dessus decrites) ne sut pas completement la langue française, il prononçait assez correctement quelques mots belges, appelant la ceinture de sauvetage appendue à l’arrière de l’as de Faustroll « vessie natatoire avec inscription dessus », mais le plus souvent il proférait un monosyllabe tautologique :

« Ha ha, » disait-il en français ; et il n’ajoutait rien davantage.

Ce personnage sera fort utile au cours de ce livre, en guise de halte aux intervalles des trop