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MAI 1898

mage des vendeurs de journaux nous informaient que ses neveux s’enquéraient ce jour-là, comme les précédents, du vénérable disparu, désespérement sous les quinconces.

IX

DE L’ÎLE FRAGRANTE.

À Paul Gauguin.

L’île Fragrante est toute sensitive, et fortifiée de madrépores quise rétractèrent, à notre abord, dans leurs casemates corallines. L’amarre de l’as fut enroulée autour d’un grand arbre, balance au vent comme un perroquet bascule dans le soleil.

Le roi de l’île était nu dans une barque, les hanches ceintes de son diadème blanc et bleu. Il était drapé en outre de ciel et de verdure comme la course en char d’un César, et roux comme sur un piédestal.

Nous lui fîmes raison de liqueurs fermentées dans des hémisphères végétaux.

Sa fonction est de sauvegarder pour son peuple l’image de ses Dieux. Il en fixait un avec trois clous au mât de la barque, et ce fut comme une voile triangulaire, ou l’or équilatéral d’un poisson séchée rapporté du septentrion. Et au-dessus de la demeure de ses femmes, il a enchaîné les pâmoisons et les torsions d’amour avec un ciment divin. Hors de l’entrelacs des seins jeunes et des croupes, des sibylles constatent la formule du bonheur, qui est double : Soyez amoureuses, et Soyez mystérieuses.

Il possède aussi une cithare, qui a sept cordes de sept couleurs, qui sont les éternelles ; et une lampe dans son palais alimentée des sources odorantes de la terre. Quand le roi chante, le long du rivage, sur sa cithare, ou élague avec une hache des images de bois vivant, les pousses qui défigu-