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MAI 1898

mirages ; après des rues étroites de maison désertes espionnant notre venue par les yeux à facettes de compliqués miroirs, nous touchâmes de la fragilité sonore de notre proue l’escalier de bois ajouré du nomade édifice.

Nous tirâmes l’as sur le rivage, et Bosse-de-Nage enfouit les agrès et les trésors dans une grotte profonde.

« Ha ha ! » dit-il, mais nous n’écoutâmes point la suite de son discours.

Le palais était une bizarre jonque, sur une eau calme ouatée de sable ; Faustroll m’affirma des Atlantides dessous. Des goélands oscillaient comme les batails de la cloche bleue du ciel, où les ornements de la libration d’un gong.

Le seigneur de l’île vint à pied, bondissant à travers le jardin planté de dunes. Il avait une barbe noire et une armure de corail vieux, et à plusieurs doigts des anneaux d’argent où languissaient des turquoises. Nous bûmes du skhiedam et des bières amères, aux intervalles de toutes les sortes de viandes fumées. Les heures étaient sonnées par des timbres de tous les métaux. Dès que l’amarre eut été détachée par notre fadrin laconique, le château croula et mourut, et reparut miré dans le ciel, des lieues plus loin, la grande jonque éraillant le feu du sable.

XI

DE L’ÎLE DE PTYX.

À Stéphane Mallarmé.

L’île de Ptyx est d’un seul bloc de la pierre de ce nom, laquelle est inestimable, car on ne l’a vue que dans cette île, qu’elle compose entièrement. Elle a la translucidité sereine du saphir blanc, et c’est la seule gemme dont le contact ne morfonde