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MAI 1898

alternées de rubis balais et de diamants noirs, tissaient sa chasuble. En guise de patenôtres, brimballaient sur sa hanche droite une guiterne en bois d’olivier, sur la gauche, sa grande épée à deux mains, entée pour garde d’un croissant d’or, dans son fourreau de peau de céraste.

Son sermon fut rhétorique et bien latin, attique et asiatique tout ensemble ; mais je ne comprenais point pourquoi il était retentissant des solerets aux gantelets, ni les périodes ordonnées comme les reprises d’une passe d’armes.

Tout à coup, d’un fauconneau qui etait lié sur une dalle en contre-bas, à quatre chaînes de fer, jaillit un boulet de bronze, dont le chargement effondra la tempe droite de l’orateur, partageant l’armet jusqu’à la tonsure, dénudant le nerf optique et le cerveau quant au lobe droit, sans émouvoir la forteresse de l’entendement.

Simultanément à la fumée du fauconneau, une buée âcre sortit des gorges du peuple et figura par sa condensation un monstre épais au pied de la chaire.

Ce jour-là j’ai vu le Mufle. Il est honorable et bien proportionné, de tout point pareil au bernard-l’hermite ou pagure, comme Dieu est infiniment semblable à l’homme. Il a des cornes qui lui servent de nez et de papilles de langue, en figure de longs doigts qui lui sortiraient de l’œil ; deux pinces inégales et dix pattes en tout ; et, comme le pagure, n’étant vulnérable que du fondement, il le réfugie, et son sexe élémentaire, dans une coquille dérobée.

Le prêtre Jean tira sa grande épée et voulut assaillir le mufle, à la notable anxieté des assistants. Faustroll demeura impassible, et Bosse-de-Nage, outre mesure intéressé, s’oublia au point de penser visiblement :

« Ha ha ! »